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Réalisme ou Imaginaire ? [16/03/2004 - ]

Ce dossier est un peu particulier, car il est écrit à quatre mains, et donne la parole à chaque auteur à tour de rôle. Cela nous permet de bien faire transparaître les différences de pensée entre hardcore gamer et joueur normal, ainsi que de tomber sur un résultat le plus "juste" possible (les deux discours se contre balançant). Autre avantage de ce type de dossier : c'est très rigollot à réaliser car cela donne lieu à de grandes joutes oratoires ;D Enfin, j'espère que vous apprécierez ce premier dossier qui porte sur le thème du réalisme dans le jeu vidéo. Bonne lecture.

Intro - pourquoi de tels jeux?

Guillaume : Depuis quelques années nous assistons à l'apparition de très nombreux jeux cherchant à approcher la réalité de tous les jours. Le plus souvent ce sont des jeux de guerre et autres simulations de combat (Counter Strike & Co, Rainbow Six, Delta Force). Ces jeux sont très en vogue, car c'est bien connu, le joueur se jette sur n'importe quoi à partir du moment où c'est tout nouveau tout beau. Ce n'est pas que le joueur est bête, mais il aime la nouveauté. Et après 60 versions de Quake, le joueur, il a envie de voir du neuf.
Mais a-t-il eu une bonne idée de se jeter aussi avidement sur ce type de jeux, dont les américains se font les spécialistes ? C'est la question que je me pose depuis quelque temps ...

Mathieu : Ce type de jeux répond à une demande du grand publique : plus, toujours plus de réalisme. Mais il n'y pas que ca, nos machines deviennent de plus en plus puissantes et il est légitime qu'on soit attiré par des jeux qui poussent nos bécanes dans leurs limites techniques. C'est normal, on vient d'acheter un beau G4, on a envie qu'il nous montre ce qu'il a dans le ventre. Cette envie de réalisme existe depuis toujours, mais il y a 10 ans, il était impensable de représenter un ennemi qui ressemble à un humain : les performances des machines n'étaient pas au rendez-vous. Voilà pourquoi, pendant des années on s'est retrouvé à affronter des champignons, des extraterrestres et autres monstres difformes. Pour ma part je pense que ce réalisme est une évolution dans la continuité.

Dans le tas...foncez dans le tas.
Ouais! Dans le tas!

To be violent or not to be ?

Guillaume : Prenons déjà le point de la "violence". Les jeux violents sont légions, mais n'y a-t-il pas une différence entre tuer un extra terrestre ou un guerrier du futur, et tuer de façon très réaliste un "humain de tous les jours", qui en plus, sera toujours vivant lors de la partie suivante ? Une personne normalement constituée est capable de faire la distinction, mais une personne mentalement faible réagira de quelle façon quand elle pourra tuer des personnages qu'elle peut voir dans la rue, ou à la télévision ? Voir dans une salle de jeux des gamins de douze ans jouer à Counter-Strike, et lorsqu'ils sortent et croisent un binôme d'agents de police, font semblant de leur tirer dessus me révolte. On se doit de laisser une frontière entre la réalité et le jeu. Or ces derniers temps le jeu est de chercher à faire « disparaître » cette frontière.

Mathieu : L'attitude de certains jeunes est vraiment inquiétante, c'est vrai. Mais nous sommes tous passés par un stade ou la "guéguerre" était notre jeu favori. Si ce n'était pas un membre d'un complot terroriste c'était peut-être un Sergent Garcia ou un groupe de mercenaires du Pakistan. Bref, à chaque époque ses monstres et ses méchants.

Une opportunité pour les newbies?

Guillaume : Le problème de ces jeux est d'autant plus grand que leur gameplay est lent, voir très lent, ce qui permet aux néophytes et aux jeunes de pouvoir les prendre en main très rapidement. Ils ne deviennent pas les meilleurs mondiaux en trois jours, mais ils sont déjà capables de faire du score et de s'identifier. C'est ce qui a permis à démocratiser le jeu sur ordinateur, et le jeu en réseau, mais d'une mauvaise façon à mon avis.

Mathieu : C'est vrai que nombreux sont ceux qui après avoir joué une semaine de façon intensive arrivent à jouer - presque - correctement. Et c'est ce "presque" qui est embêtant à mon avis : j'ai souvent vu des jeunes s'exalter et ridiculiser d'autres newbies sans pour autant avoir un niveau vraiment supérieur. On se prend facilement au jeu au début, et dès que l'on voit que l'on est le plus fort on aime le montrer. Une seule solution : les remettre à leur place en leur montrer qu'ils sont loin d'être les plus forts et que ce genre de jeux demande une grande connaissance de ces propres capacités (savoir rester discret et efficace quand on joue avec plus fort que soit, apprendre les ficelles aux nouveaux et les aider...).

La stratégie est elle là où on le croit ?

Guillaume : Bon j'entends déjà dire : oui mais dans le jeu réaliste c'est lent pour élaborer une stratégie, contourner les joueurs pour les prendre à revers, jouer très finement, etc ... À tous ceux-la je leur demande s'ils ont ne serait-ce qu'une fois joués à un bon niveau sur Unreal Tournament ou Quake. Gagner une partie en 1vs1, ou même dans un bon gros FFA demande la même stratégie, à la différence qu'il faut être capable d'intégrer tous les éléments le plus vite possible. Celui qui gagne à la meilleure stratégie et contrôle le niveau. Il est capable de gérer des attaques simultanées, et surtout doit être capable d’être le plus discret possible. J’ai le magnifique souvenir de parties où tout le monde jouait au son pour tenter d’anticiper les mouvements de chacun. Ce fut mémorable ! Se balader dans tous les sens ne fait pas gagner. Cela paraît brouillon aux trois quarts des joueurs arrivés avec l'air de réalisme, mais s'ils prennent ne serait-ce que 2 min pour étudier les actions du meilleur joueur de la partie, ils se rendraient compte de tout cela. Mais le joueur de jeu réaliste est très souvent un newbie, il est jeune, et il a tendance à être un peu obtus (je vais me faire taper dessus moa :D).
En plus, un gamin de douze/quinze ans, à moins de se nommer Immortal (double vice-champion du monde de Quake 2 à 15 ans) n'est pas capable d'accomplir ce genre de chose, tout comme les trois quarts des joueurs de maintenant.

Jamais vous ne me trouverez !

Exploitation d'un filon

Guillaume : Changeons un peu de rubriques, en parlant de la créativité US qui se meurt avec ces jeux. Ces derniers temps, presque aucun jeu Américain ne démontre une réelle créativité. On a droit à un Max Payne aux effets photo-réalistes, deux trois RPG qui reprennent pour la cent cinquantième fois les mêmes backgrounds, et des tonnes d'annonces de suites, ou de jeux réalistes. En Europe par contre, on a droit à Evil Twin d'in Utero, on a eu Black and White de Lionhead, ... bref des jeux créatifs qui utilisent l'imaginaire des joueurs. Les jeux réalistes tuent l'imaginaire des développeurs US (qui subissent en plus la pression des distributeurs qui veulent du "réalisme"). Les Japonais ne crée jamais de jeux réalistes, ou alors ils sont complètement loufoques (simulations de bus, de tramway, etc ...). Et surtout, on a droit à de nouvelles sensations de jeux à chaque nouveaux jeux. La réalité reste toujours la même. L’imaginaire est en mouvement constant.

Mathieu : Malheureusement certains pensent avoir trouvé un nouveau filon. Dommage pour eux, ils se rendront compte que tout n'a qu'un temps. Jusqu'à maintenant de nombreux CounterStrike-like sont sortis, mais aucun n'a égalé la réussite de l'original ! Rien n’y fait : nouveaux moteurs plus performants que celui d'Half Life, plus d'armes, plus de réalisme... toutes ses belles paroles ne feront pas oublier CS aux puristes du genre. Le filon n'est pas forcément là où on le croit : CS a innové par son réalisme, son fun et sa qualité. C'est bien dans l'innovation que réside la clef du succès commerciale et non dans la "copie plus performante".

D'une seule et même voix : Une chose toutefois. Il faut rester dans une certaine limite dans l'imaginaire ... mais là ce sont surtout les grands qui sont touchés par ce genre de problèmes avec les MMORPG qui fleurissent aussi vite que les connexions haut débit. Ces jeux ne sont pas dangereux dans leur contenu mais dans leur tendance à devenir des drogues informatiques. Qui ne connaît pas dans son entourage un fan d'Everquest ou d'Asheron's Call qui passe ses journées devant son ordinateur à camper des items ? Il y en a qui foutent en l'air leur étude pour ce genre de jeux ... Bon vous me direz que les vrais jeux de rôles peuvent aussi vous rendre un peu "dépendant", mais dans une tout autre mesure. Heureusement que les jeunes joueurs ne sont pas trop attirés par ces jeux ...

Concluez mes braves, concluez...

Guillaume : Tout n’est pas à jeter dans ces jeux. Mais je trouve dommage et dangereux qu’ils deviennent quasiment la référence auprès de joueurs souvent incrédules, qui se font exploiter par les distributeurs. Ils font disparaître la part de rêve du jeux vidéo (ou vous plongent totalement dans un autre monde). C’est un loisir et il faut que cela le reste jusqu’au bout. Le jeu d’un côté, la vie réelle de l’autre. Regardez un peu l’anime Lain, ça peut toujours donner à réfléchir (si vous arrivez à tout comprendre :).

Mathieu : Depuis le temps qu'on attend avec impatience que le réel et le virtuel se rejoigne...
On effleure de plus en plus ce concept de réalité-virtuelle, terme qui en lui-même ne veut rien dire... tout du moins pour l’instant ! Les jeux réalistes sont-ils une prémisse à la Lain-ification du nouveau millénaire ? Ou juste l'ébauche d'un rêve inaccessible ?